Notre proposition s’inscrit dans le projet ANR-FNR Augmented Artwork Analysis visant à produire une application sur tablette numérique pour une perception et une interprétation augmentées de tableaux rencontrés au musée. D’une part, le prototype mettra en évidence différentes strates d’une œuvre d’art : la dimension matérielle et plastique (textures, couleurs et composition diagrammatique) ; la dimension figurative et narrative (des personnages, des paysages et des objets qui participent de multiples récits) ; la tension esthétique entre ces deux dimensions avec sa portée rhétorique (le sensible, l’affectif, le figural). D’autre part, notre projet vise à reconnaître l’inscription des formes artistiques dans des généalogiques historiques et des patterns programmatiques (Baxandall 1985), à la fois en production et en réception.
Notre corpus d’analyse relève d’une observation in situ des pratiques des médiations au musée à travers un dispositif de captation qui passe par une pluralité de cameras (360° aussi) et de modalités de prise du son que nous présenterons. Dans un dialogue entre une sémiotique des pratiques (Fontanille, 2008) et une analyse des interactions (Mondada, 2008 ; Traverso, 2014), nous nous focaliserons sur les pratiques des guides qui constituent une interface entre les institutions et les publics et assurent une médiation in situ entre les objets et les visiteurs aux profils hétérogènes.
À partir d’extraits, nous porterons une attention particulière à la gestion de ressources sémiotiques plurielles (les supports utilisés par les guides, la multimodalité de l’interaction, le musée avec ses affordances architecturales et technologiques) et aux tensions dialogiques qui agissent sur le déploiement d’un discours en interaction (anticipations, reprises, citations, etc.). Les visites guidées s’affirmeront ainsi comme poste d’observation privilégié des formes de socialisation en jeu dans la mise en partage de points de vue sur les œuvres, dans la relation avec les objets qui peut avoir une vocation encyclopédique ou une tension indiciaire. En trame de fond, nous testerons l’hypothèse selon laquelle « le couplage entre socialisation du langage et socialisation à travers le langage (Duranti et alii 2012) montre que les pratiques discursives sont l’interface entre ces “mondes” (auto- et hétéro-référentiels) […] » (Basso Fossali, 2021). Ceci est d'autant plus vrai lorsque la socialisation concerne la connaissance des langages non-verbaux, la traduction intersémiotique et le passage problématique entre la connaissance sensible et la mobilisation de savoirs techniques et historiques.
Basso Fossali P. (2021). Les dynamiques de socialisation. Entre l’interaction in vivo et le commun. Versus, Quaderni di studi semiotici, pp. 245-256.
Baxandall, M. (1985). Patterns of intentions. On the Historical Explanation of Pictures, New Haven-London, Yale University Press.
Duranti A., Ochs E. and Schieffelin B. B. (eds.) (2012). The Handbook of Language Socialization, Oxford, Wiley-Blackwell.
Fontanille J. (2008). Pratiques sémiotiques, Paris, PUF.
Mondada, L. (2008). Production du savoir et interactions multimodales: Une étude de la modélisation spatiale comme activité pratique située et incarnée. Revue d'anthropologie des connaissances, vol. 2, n°2, pp. 219-266.
Traverso, V., 2014, « Annonces, transitions, projections et autres procédures : réflexion-bilan sur la construction “méso” de l'interaction », Cahiers de l'ILSL, n°41, pp. 19-70.