Argument :
La langue est un vecteur de culture, les mots étant des artéfacts culturels de la société selon les linguistes polonais, entre autres, J. Puzynina, J. Bartmiński ou A. Wierzbicka. Cette pensée a une longue tradition datant, au moins, de l'époque de J. Locke selon qui les habitants d'un pays créent certaines idées complexes, qui expriment souvent ce qui est important pour la société en question, et leur donnent des noms différents de ceux créés par d'autres nations. Cette hypothèse de relativité linguistique a pourtant du sens quand elle est complétée par l'hypothèse d'universalité linguistique selon A. Wierzbicka. Ce qui est commun pour des cultures avoisinantes ou même pour toute l'humanité s'entrelace avec ce qui est particulier pour une communauté. Cela a pour conséquence l'élaboration des concepts spécifiques pour chaque langue et culture et la formation des mots comme féminicide et glottophobie. Ces deux néologismes désignent des phénomènes sociaux qui se manifestent dans de nombreux pays, par exemple en France et en Pologne, mais dont la perception sociale varie d'un pays à l'autre. Le féminicide en tant que problème social existe aussi en Pologne, cependant le néologisme kobietobójstwo n'est pas un terme officiel. Quant au mot glottophobie, il serait difficile de proposer sa traduction polonaise, bien qu'une attitude méprisante ou ironique envers des comportements linguistiques ne respectant pas la norme se manifeste aussi en Pologne, pays se caractérisant aussi par une diversité dialectale et régionale. Il est pourtant difficile d'y remédier puisque ce phénomène n'est pas lexicalisé et le concept lui-même a du mal à s'instaurer dans la culture polonaise.Dans le cadre de cette recherche, nous nous proposons d'examiner quelques mots-clés qui se réfèrent à la transgression des droits de l'homme comme fémininicide ou glottophobie aussi bien que leurs champs sémantiques, leurs dérivés et leurs collocations. L'étude est fondée sur des données lexicographiques, sur des corpus de texte et sur des données d'Internet. La perspective de notre recherche se voulant contrastive, nous nous interrogeons sur l'envergure des mêmes phénomènes en Pologne et sur des moyens linguistiques qui les explicitent. L'outil linguistique auquel nous allons recourir afin de dégager le sens de certaines lexies et d'illustrer des différences et des ressemblances sémantiques est l'appareil analytique basé sur la notion de prédicat sémantique. Ainsi, la représentation sémantique du suffixe phobie, valable pour des lexèmes récemment plus fréquents comme glottophobie, islamophobie, homophobie, diffère de celle caractéristique pour les termes d'origine médicale, à savoir il s'agit du changement prédicatif suivant : discriminer <- mépriser <- avoir peur. En découpant le continuum sémantique de certains mots-clés à l'aide de l'analyse prédicative, nous pourrons distinguer ce qui est relatif de ce qui est universel dans les deux langues et observer une évolution linguistique qui accompagne les changements sociaux.Éléments bibliographiquesWierzbicka A. 2013. Słowa klucze. Różne języki – różne kultury. Wydawnictwa Uniwersytetu Warszawskiego. Warszawa.Mel'čuk I., Polguère A. 2008. Prédicats et quasi-prédicats sémantiques dans une perspective lexicographique. Lidil.