L'enseignement-apprentissage des langues se voit recadré dans la société contemporaine en constante transformation par les contextes de production des échanges linguistiques, les valeurs politiques et idéologiques qui les représentent, de même que par le pragmatisme des us et consommation des langues. Apprendre une langue autre que celle ou celles apprises comme langues premières, peut s'avérer une décision aussi bien volontaire qu'imposée, selon le désir ou le besoin de chaque individu. Par contre, enseigner une langue nous fait entrer dans un autre domaine, celui de la pratique professionnelle. En effet, devenir enseignant est, dans tous les cas où l'individu cherche une formation pour cela, un choix. Ce choix, cependant, ne s'avère pas sans implications. Dans les environnements naturellement plurilingues, apprendre et par conséquent enseigner des langues additionnelles, sont des activités courantes. Ces pratiques langagières se font, dans beaucoup de cas, en milieu naturel surtout si les langues en jeu sont des langues majoritairement partagées entre les sujets. La réalité peut être légèrement différente dans les contextes où, la langue comme objet d'apprentissage et d'enseignement, connaît une circulation restreinte. Dans les pays fortement monolingues en termes de pratiques langagières plurilingues, comme c'est le cas du Brésil (le plurilinguisme est reconnu au Brésil dans les langues autochtones et d'héritage mais le Portugais reste la langue majoritaire), les langues additionnelles apprises et enseignées à l'école ont différents statuts, ce qui impacte directement tous ceux qui gravitent autour de leur utilisation.
Ce travail veut dévoiler le parcours de construction professionnelle du professeur de langue(s) entamé par deux groupes de sujets : des professeurs en formation et des professeurs expérimentés, eux-mêmes formateurs de futurs professeurs. À partir d'un exercice de réflexion critique de leur pratique, professeurs expérimentés et futurs enseignants de langue française vont refaire leur parcours depuis leurs premiers contacts avec la langue jusqu'à la construction d'une identité comme professeur. Le contexte choisi est celui d'une université publique brésilienne, située en contexte non francophone. Dans ce travail, il nous intéresse situer la formation des enseignants de langue comme une activité qui se construit au-delà de la salle de classe, une activité qui circule entre les frontières éducationnelles, culturelles et politiques. Enseignant formateur et enseignant en formation cohabitent ainsi entre espaces d'échanges de connaissances, compétences, croyances, attitudes, systèmes de valeurs et idéologies pas toujours partagées. Par la confrontation entre la pratique négociée entre eux, notre but est de confronter leurs parcours face aux enjeux institutionnels et sociaux en quête de l'émergence de la voix sociale propre à cet agir professeur, en tant que sujet responsable de son agir dans le monde. Par un exercice d'autoévaluation, les futurs professeurs réfléchissent à propos de la formation reçue et de la pratique enseignante espérée. Par un exercice de reconstruction les professeurs expérimentés se permettent d'évaluer leurs conceptions et positions. Les résultats démontrent que l'évaluation du parcours de formation est essentielle pour que chaque professeur révèle sa voix sociale et puisse prendre sur soi la responsabilité d'un agir éthique au long de sa formation et dans sa pratique.