Dans le contexte sociopolitique mondial actuel où une éducation démocratique (Carlson et Apple, 1998/2018) s'avère essentielle, il est plus que temps d'adopter ce que Freire (1968/1977, 2005) nous encourage à faire depuis des décennies: «oser enseigner.» Ce travail exige de nous, enseignant.es-chercheur.es et formateur-rice-es, que nous nous engagions dans les questions de diversité, de différence, et d'inéquité dans les espaces scolaires et institutionnelles coloniales. Mettre en place une approche inclusive valorisant la pluralité des réalités, des savoirs, et des identités en salle de classe nous oblige à tourner le regard vers soi-même et à accepter de se voir vulnérable, ce qui peut évoquer des tensions avec les différents acteurs présents (e.g., personnel enseignant, population étudiante, institutions). Afin de négocier ces tensions, d'apprendre à vivre avec celles-ci et d'accepter d'être mal à l'aise dans ce processus, nous proposons une approche d'apprentissage interculturel d'une perspective critique qui explore cette vulnérabilité à partir d'un processus de décentrage et centrage (Andreotti et coll., 2014).
Dans cette présentation, nous nous basons sur cette approche pour examiner notre propre enseignement en tant que formatrice et formateur allochtones de descendance européenne d'enseignant.es œuvrant dans les programmes de français langue seconde (FLS). Nous nous concentrons sur nos efforts pour rendre nos pratiques en salle de classe décolonisantes et inclusives et de mettre en évidence les structures et pratiques coloniales et inéquitables, incluant nos propres perspectives. Nous proposons une réflexion (Brookfield, 2017) sur des exemples de notre pratique (le choix de textes des cours, le design des activités en classe, l'appui collégial) en nous inspirant des résultats d'un projet de recherche sur l'apprentissage interculturel, projet mené auprès d'enseignant.es de FLS de 2019 à 2022 dans le but de soutenir l'intégration de l'interculturel, et des savoirs et perspectives autochtones dans le programme d'études de la Colombie-Britannique au Canada. Dans cette présentation, nous mettrons l'accent sur nos expériences concrètes au vue de notre recherche et de la littérature, dans un esprit autoethnographique critique. L'autoethnographie critique est une forme de discours académique dans lequel l'histoire personnelle, ancrée dans des contextes sociohistoriques et la littérature, questionne les relations de pouvoir dans une visée d'engagement politique (Stanley, 2020). Avec cette discussion de notre pratique, nous espérons contribuer à l'impératif collectif d'un dialogue pour avancer l'engagement politique et éthique pour l'enseignant.e-chercheur.e en enseignement du français langue seconde.
Références
Andreotti, V. de O., Biesta, G., & Ahenakew, C. (2014). Between the nation and the globe: Education for global mindedness in Finland. Globalisation, Societies and Education, 13(2), 246–259.
Brookfield, S. D. (2017). Becoming a Critically Reflective Teacher. John Wiley & Sons.
Carlson, D., & Apple, M. W. (Eds.). (2019). Power/Knowledge/Pedagogy: The Meaning of Democratic Education in Unsettling Times. Routledge.
Freire, P. (1968/1977). Pédagogie des opprimés : suivi de conscientisation et révolution (Ser. Petite collection maspero, 130). F. Maspero
Freire, P., Macedo, D., Koike, D., Oliveira, A., & Freire, A.M.A. (2018). Teachers as cultural workers: Letters to those who dare teach. Routledge.
Stanley, P. (Ed.). (2020). Critical Autoethnography and Intercultural Learning: Emerging Voices. Taylor & Francis Group.