En français, le genre masculin est utilisé pour désigner un groupe consistant soit uniquement d'hommes, soit de femmes et d'hommes. Cependant, cette ambigüité ne se retrouve pas chez le féminin : si la forme féminine est utilisée, il est certain que l'on ne parle que de femmes. Depuis deux décennies, des études en psycholinguistique (Brauer and Landry, 2008 ; Gygax et al., 2019) ont examiné les effets de l'usage générique du genre masculin sur les représentations de genre et ont démontré que cet usage entraîne un biais masculin. En d'autres mots, utiliser la forme masculine en parlant de femmes et d'hommes rend les représentations mentales de femmes plus difficiles. Pour contrer cet effet, certains et certaines francophones ont commencé à utiliser de différentes formes inclusives.
L'objectif de la présente étude était d'examiner l'influence de différentes formes inclusives (joggeurs et joggeuses ; joggeuses et joggeurs ; joggeur·euses ; un groupe de jogging), par rapport à la forme masculine, sur les proportions de femmes et d'hommes perçues dans un nom commun de personne (NCP). Avec cet objectif, nous avons analysé les pourcentages de femmes représentées dans 22 NCPs donnés par 1018 francophones. Les NCPs étaient sans stéréotype de genre afin de se focaliser uniquement sur l'effet de la forme grammaticale. Les participantes et participants lisaient tous les NCPs dans la même forme et devaient estimer le pourcentage de femmes représentées dans chaque NCP sur une échelle allant de 100% à 0% femmes ou de 100% à 0% hommes.
L'étude a rendu trois résultats principaux. Premièrement, toutes les formes inclusives ont augmenté de façon significative le pourcentage de femmes comparées à la forme masculine, et aucune forme inclusive n'était plus efficace qu'une autre. Deuxièmement, la direction de l'échelle influençait les estimations de sorte que lorsque l'échelle commençait avec l'étiquette 100% femmes, le pourcentage de femmes était plus élevé. Finalement, et quelque peu étonnamment, des attitudes positives envers le langage inclusif chez une personne prédisaient un pourcentage de femmes plus bas. En d'autres mots, plus les attitudes envers le langage inclusif d'une personne étaient positives, plus bas étaient ses pourcentages estimés de femmes.
Pendant que les deux premiers résultats étaient en accord avec les études antérieures et ont confirmé nos hypothèses, le dernier nécessite un peu de réflexion. Notre interprétation est que les participantes et participants ayant estimé des pourcentages de femmes plus bas seraient celles et ceux qui estiment que le langage inclusif est nécessaire, et qui par conséquent tiennent des attitudes plus positives. Ainsi, les bas pourcentages estimés seraient la cause des attitudes positives plutôt que leur effet. Pour conclure, les résultats de notre étude suggèrent que le langage inclusif est un moyen efficace pour augmenter la représentation des femmes en français.
Brauer, M., and Landry, M. (2008). Un ministre peut-il tomber enceinte? L'impact du générique masculin sur les représentations mentales. L'année psychologique, 108(22), 243–272.
Gygax, P., Gabriel, U., and Zufferey, S. (2019). Le masculin et ses multiples sens: Un problème pour notre cerveau... Et notre société. Savoirs en Prisme, 10(e-publication), 24.