Cette contribution s'intéresse à des séquences interactionnelles lors desquelles un·e édit·eur·rice refuse un projet éditorial proposé par un·e illustrat·eur·rice, dans un salon de livres pour enfants en Italie. L'étude se fonde sur un corpus audiovisuel de 41 interactions entre un couple d'éditeurs francophones et des illustrat·eurs·rices de langues romanes différentes (italophones, hispanophones) qui leur présentent des œuvres inédites. Ces interactions se caractérisent par une situation d'asymétrie professionnelle entre les participant·e·s, ce qui les rapproche des entretiens d'embauche (Glenn & LeBaron 2007), et par la centralité des livres, qui sont manipulés tout le long de l'interaction (Piccoli, à paraître). La mobilisation de ces objets contribue à structurer l'activité en cours et à faire émerger les identités professionnelles des participant·e·s (Nevile et al.2014, Day & Mortensen 2020).
Dans la grande majorité des interactions, le projet éditorial est refusé par l'édit·eur·rice. Comme il a été montré pour d'autres contextes interactionnels (Davidson 1984, Ursi 2016 entre autres), le refus suite à une offre ou proposition constitue une réponse dispréferée (Pomerantz & Heritage 2013) qui demande un travail interactionnel particulier. Dans notre corpus, le refus du projet éditorial peut entraîner des séquences étendues qui peuvent inclure des justifications de la part de l'édit·eur·rice (par ex. la non-adéquation du projet à la ligne éditoriale de la maison d'édition) et/ou des conseils donnés aux l'illustrat·eurs·rices (par ex. ajouter du texte aux images). Par le biais d'une analyse interactionnelle et multimodale (Mondada 2017), cette contribution vise à explorer les différentes ressources interactionnelles mises en œuvre par les participant·e·s lors de ces séquences. Une attention particulière sera portée à la relation entre la manipulation du livre et la réalisation du refus.
Par ailleurs, l'adoption d'une approche contrastive à partir de plusieurs configurations linguistiques en interaction, nous permettra de mettre en avant les différentes réalisations du refus en fonction des modalités communicatives choisies (français, anglais lingua franca, conversation plurilingue).
References
Day D. & Mortensen K. (2020), Inscribed objects in professional practices: An introduction, JALPP 14(2), 119-126.
Davidson, J. (1984), Subsequent versions of invitations, offers, requests, and proposals dealing with potential or actual rejection. In J. M. Atkinson & J. Heritage (Eds), Structures of Social Action: Studies in Conversation Analysis, Cambridge : Cambridge University Press, 102-128.
Glenn P. & LeBaron C. (2007), Epistemic authority in employment interviews: glancing, pointing, touching, Discourse & Communication, 5, 3-22.
Mondada L. (2017), Le défi de la multimodalité en interaction. RFLA XXII(2), 71-87.
Nevile M., Haddington P., Heinemann T. & Rauniomaa M. (Eds.) (2014), Interacting with Things: The Sociality of Objects, New York, John Benjamins.
Piccoli V. (à paraître), Raconter son livre à un éditeur dans un salon international : multimodalité, plurilinguisme, enjeux épistémiques, in L. Greco & S. Nossik, La narration : du discours à la multimodalité, Paris : Lambert Lucas.
Pomerantz A. & Heritage J. (2013), Preference, In J. Sidnell & T. Stivers (Eds), The Handbook of Conversation Analysis, Malden, MA : Wiley-Blackwell, 210-228.
Ursi B. (2016), Le refus en interaction. Une approche syntaxique et séquentielle de la négation. Thèse de doctorat, Université Lumière Lyon 2.